17 févr. 2010


LA DERNIÈRE ÉCLUSE


un roman de Patricia Chevrette


Nous nous étions fait écho dans ces pages du précédent opus de Patricia Chevrette, « La valise du boulanger », roman autobiographique dans lequel nous assistions à l’éclosion d’une plume alerte et incisive, pleine de bonhomie à l’évocation de son enfance passée à Issoudun dans la cave de son grand-père. Elle nous revient cette fois avec une fiction basée sur des faits réels, l’histoire d’une femme paraplégique qui reprend goût à la vie après un terrible accident d’accordéon. Dans ces terres glacées du Nord qu’elle affectionne, Patricia Chevrette brosse le portrait juste d’une femme humble mais autoritaire, carbonisée par la passion secrète qui la lie à Joseph, dit « La fouine », le fils unique du rebouteux local. Ce dernier fera tout pour briser cette idylle naissante dans l’œuf et multipliera les mauvais sorts à l’encontre de l’héroïne -qui n’est jamais nommée par son prénom- Patricia Chevrette l’appelle tout simplement « Elle » tout au long de l’intrigue. Nous ne dévoilerons pas la fin, surprenante, ou un mystérieux auto-stoppeur -« Il »- finira par délivrer « Elle » des griffes de son tortionnaire avant de mourir, délivré, le pouce en l’air, au pied d’un gros camion Scania transportant une mystérieuse cargaison d’escargots.

Un roman âpre, jamais gratuit, où le sens de l’observation et la concision des phrases exploitent avec justesse une moisson de sentiments ordinaires poussés à leur paroxysme, mais lentement, progressivement, 

comme le mascaret luisant d’un fleuve hypnotique.

Nous ne pouvons résister à la tentation de vous livrer un extrait de cette prose merveilleuse :

« ...Elle regardait par la fenêtre. Le parc. Les feuilles humides. Elle regardait par la fenêtre l’humidité des feuilles du parc. La fenêtre, pensait-elle, quelle simplicité ! Ouvrir la fenêtre. Sortir dans le parc. Marcher dans les feuilles humides jusqu’à en avoir le vertige. Mais non. Pas maintenant. Il fallait qu’elle renonce à ce projet fou. Elle devait patienter encore un peu. Patienter derrière la fenêtre, derrière le parc, derrière le vertige.

Elle regardait. La fenêtre. Le parc. Elle était seule. Toute seule derrière sa fenêtre.... »

On ne ressort pas indemne d’un tel ouvrage. Il faut du temps pour le digérer, mais il trouve petit à petit le chemin de notre âme et change notre vision des choses, imperceptiblement. Il fait partie de ces livres rares qui émergent de l’horizon morose de la pensée, véritables bornes kilométriques de notre parcours terrestre qui nous indiquent toute la distance à parcourir jusqu’à notre accomplissement ultime.

Un livre à lire avec ses yeux, mais aussi avec des lunettes sur le cœur.






 

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