17 févr. 2010

ZOOLOGIE II


LE LAPIN DE MER




Le lapin de mer est un animal furtif, agile, joueur, voire taquin, vaguement enclin à la monogamie, et dont les oreilles ont disparu au cours de sa lente adaptation à la vie aquatique. 

Contrairement à ses cousins terrestres, le lapin de mer ne creuse pas de terriers car c’est un indécrottable paresseux. A force de se laisser ainsi mollement porter par les courants, sans forcer, ses membres se sont atrophiés. Il ressemble donc vaguement à un saucisson à queue, avec de longues dents. Comme il n’use plus ses incisives à ronger les végétaux, ces dernières ont poussé démesurément vers le bas, car c’est moins fatiguant. Sa nourriture se compose essentiellement de frites marines qu’il trouve au pied des moules, ce qui explique son embonpoint et son faible goût pour le sport en général. Cela ne l’empêche pas de savoir attendrir son entourage et c’est par dizaine que des femmes en villégiature sur la Côte d’Azur craquent en disant à leur mari : « Oh ! Regarde chéri comme il est trognon ! » et c’est par dizaine que des maris rétifs ramènent des lapins de mer à la maison.

Le lapin de mer n’est pas un intellectuel et ses performances au Scrabble avoisinent le zéro, mais sa domestication est aisée. Il peut distinguer plus d’une centaine de mots différents.

On peut également lui apprendre à chanter et à faire des claquettes, ainsi qu’à participer aux cérémonies religieuses. Certains sujets particulièrement doués réussissent même à faire du cinéma, avec un certain succès, mais leur cabotinage outrancier finit toujours par les faire échouer à deux doigts de l’Oscar du meilleur second rôle animal, catégorie rongeur de compagnie.

Dans la pratique, l’élevage du lapin de mer ne pose aucun problème. Une poignée de frites, quelques moules, une tape amicale sur la croupe et le lapin de mer 



devient votre ami pour toujours. Il ne vous quittera plus

 jamais, on vous aura prévenu. C’est un sentimental à l’affect surdéveloppé, un grand romantique, un cœur d’artichaut, une sale lopette.

A la belle saison pourtant, les grands mâles dominants ressentent l’appel de la terre. Ils font alors une cour sommaire et bruyante aux femelles, puis les lutinent sans grâce sur les plages torrides en poussant des grognements obscènes. Aussitôt après, ils s’endorment. Une fois réveillés, ils recommencent à besogner leurs compagnes et ce manège dure plusieurs semaines harassantes à l’issue desquelles les femelles donnent naissance à un œuf tout blanc d’où sortira un lapereau tout noir, à condition que les parents aient la patience de couver jusqu’à l’éclosion, ce qui est peu probable compte-tenu de leur légendaire je-m’en-foutisme et de l’énervement bien compréhensible des touristes avec qui ils partagent le littoral.

En raison de la médiocrité de sa chair, le lapin de mer est peu prisé des hommes-grenouilles qui ne voient en lui qu’un pis-aller. La femme de l’homme-grenouille - la grenouillette-, fait la moue lorsque son grand dadais de mari lui rapporte du lapin de mer à déjeuner ; cet animal a brisé bien des couples subaquatiques. Le Commandant Cousteau lui-même recommandait la plus grande prudence aux hommes de la Calypso au sujet de cet animal larvaire ; il est de toute façon admis que les lapins de mer passent pour porter malheur une fois à terre.

Pour finir, nous ajouterons que le lapin de mer n’est certes pas indispensable à la compréhension de l’océanographie dans ses grandes lignes, mais qu’il contribue à faire joli sur nos plages, ce qui est déjà beaucoup.



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